"Chaque prière inspirée par l’Esprit compte" : les évangéliques européens face aux bruits de guerre

"Chaque prière inspirée par l’Esprit compte" les évangéliques européens face aux bruits de guerre

Alors que l’Union européenne appelle à renforcer sa défense commune, Thierry Le Gall, aumônier protestant évangélique auprès des parlementaires, rattaché au Conseil national des évangéliques de France (CNEF), appelle les chrétiens à une vigilance spirituelle éclairée. Dans un entretien accordé au média Evangelical Focus, il s’exprime aux côtés d’autres responsables évangéliques européens sur les défis posés par le potentiel retour de la guerre en Europe.

La guerre en Ukraine et les tensions géopolitiques croissantes avec la Russie ravivent les inquiétudes dans toute l’Europe. Dans ce contexte, l’annonce du plan "ReArm Europe", présenté en mars dernier par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, marque un tournant stratégique. L’objectif étant de bâtir une architecture militaire commune avec un budget de 800 millions d’euros, capable de répondre aux menaces actuelles et futures.

Face à ce bouleversement, le média Evangelical Focus a interrogé plusieurs responsables évangéliques en Europe dont le pasteur françaisThierry Le Gall, aumônier protestant évangélique auprès des parlementaires, rattaché au CNEF. Il estime que cette situation invite les chrétiens à sortir d’un certain confort spirituel.

"Le risque d’une agression militaire russe est à nouveau dans les esprits des chrétiens français, qui espèrent en même temps une fin prochaine du conflit en Ukraine – mais à quel prix ?"

Selon le pasteur, la relation entre l’Ukraine, la Russie et les États-Unis est d’une complexité qui rend improbable une résolution diplomatique à court terme. 

Dans ce contexte, il affirme que seule une force de dissuasion européenne, bien calibrée et réellement opérationnelle, pourra faire contrepoids aux ambitions du Kremlin. Ce constat s’accompagne néanmoins de deux craintes latentes : celle de voir les efforts de réarmement peser sur les finances publiques et le niveau de vie des citoyens européens, et celle de devoir faire face, un jour, à l’implication directe de la jeunesse dans un conflit armé.

"Nos enfants, en âge de combattre, seront-ils un jour envoyés sur un théâtre d’opérations militaires au péril de leur vie ?"

S’appuyant sur la tradition chrétienne et la pensée de Thomas d’Aquin, Thierry Le Gall rappelle que la guerre ne peut être justifiée que sous trois conditions : l’autorité légitime, la cause juste, et l’intention droite. Il souligne également que la paix exceptionnelle dont jouit l’Europe de l’Ouest depuis 1945 est un fait historique rare, qui ne doit pas être tenu pour acquis.

"Christ est venu pour accomplir tout ce qu’il fallait afin de vaincre le mal qui nous ronge", affirme-t-il. C’est pourquoi il appelle les chrétiens à ne pas se réfugier dans des prières abstraites ou désincarnées, mais à adresser à Dieu "une prière lucide, réaliste, mais non pessimiste". Selon lui, "quelle que soit notre position sociale, notre type d’Église ou la faiblesse de nos moyens, chaque prière inspirée par l’Esprit compte, chaque voix évangélique qui appelle à plus de paix et de justice sera bénie".

Dans d’autres pays d’Europe, les responsables évangéliques interrogés par Evangelical Focus partagent cette même exigence de lucidité et de responsabilité spirituelle. En Suède, Olof Edsinger évoque un changement d’état d’esprit au sein de la population. "Nous ne sommes pas en guerre, mais nous ne sommes pas en paix non plus", résume-t-il. Pour lui, les chrétiens doivent reconnaître que la guerre reste une possibilité dans un monde déchu, et que cette réalité est également présente dans une lecture biblique de l’histoire.

En Espagne, X. Manuel Suárez, secrétaire général de l’Alliance évangélique espagnole, estime que les Européens "perdent le bouclier américain" tout en continuant à vivre comme si "rien ne pouvait arriver ici". Il souligne que "la paix ne s’achète pas au prix de la justice", et que les chrétiens doivent prier avec ferveur pour les victimes, pour la justice, et pour que le peuple russe ait le courage de se lever contre l’oppression.

Au Portugal, Elsa Correia insiste sur la mission concrète de l’Église en tant qu’actrice de paix. "Nous ne sommes pas seulement un peuple de foi et de prière", dit-elle, "nous devons aussi agir, soutenir les victimes et promouvoir la réconciliation". Elle appelle les pasteurs à encourager la confiance en Dieu tout en préparant spirituellement les croyants à faire face à des temps instables.

Camille Westphal Perrier

Crédit image : Shutterstock / New Africa

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